samedi 30 janvier 2010

Notes : Le procès des Trente – Notes pour servir à l'Histoire de ce temps : 1892 – 1894 (Sébastien Faure)

Le procès des Trente – Notes pour servir à l'Histoire de ce temps : 1892 – 1894 (Sébastien Faure)

Cette brochure, parue aux « Editions antisociales », présente un texte de Sebastien Faure, paru dans Le libertaire en 1896, revenant sur le procès des trente, dont il était l'un des co – accusés, et qui faisait suite à la série d'efforts anarchistes commis entre 1892 et 1894.

Elle commence par le texte proprement dit, pour le moins intéressant, où Faure revient donc sur les activités des Ravachol, Vaillant, Henry, Pauwels, Caserio, etc. ainsi que de la répression qui les ont suivies. Au delà de l'intérêt historique, les critiques vis à vis des journalistes (« Ils colportaient avec complaisance les ineptes racontars éjaculés par les mouchards de haut et bas étages »), le souci de donner la paroles aux anarchistes (et non aux flics), le fait que, déjà, ces derniers cherchaient des chefs au seul endroit où il n'y en a pas (« ces lois, dirigé[es], en principe, contre les seuls anarchistes, peu[ven]t frapper toutes les poitrines, excepté justement celles des anarchistes eux mêmes »), et d'autres points évidemment servent véritablement à « l'Histoire de ce temps ». Le point polémique ici sera l'éternelle question d'Emile Henry, et ce qui est intéressant là, c'est la reproduction de sa déclaration au tribunal, qui permettra à tout le monde de se faire un avis. Son argumentaire est basée sur le principe qui est que, si les bourgeois des enfants, alors on peut tuer les enfants des bourgeois (par exemple). On notera que nous ne sommes pas des bourgeois, mais des anarchistes (« Nous pensons que les fins sont indissociables des moyens, car les méthodes de luttes laissent entrevoir la vie pour laquelle nous nous battons », disaient des compagnons italiens). C'est en tout cas sur ce point là que la critique des actes d'Emile Henry peut être intéressante, et non dans des considérations policières du type « C'était un bourgeois fou » (on ne citera personne). Intéressant aussi, quelques extraits d'interrogatoires policiers de l'époque.

La seconde partie reprend la déclaration de Sébastien Faure lors du procès des Trente. Celle ci est bien moins intéressante que le texte qu'il en a tiré. Toute perspective historique mise en abîme, il est énervant de l'entendre se présenter comme un « anarchiste d'amour » alors que les autres seraient des « anarchistes de haine », tandis que le tribunal tente justement de diviser les anarchistes entre les « penseurs » et les autres, ceux qui propagandent par le fait. Cela vient sans doute de son désir de ne pas voir enchaîné sa pensée à celle d'un autre, mais la méthode utilisée semble glissante. En outre, il déclare vouloir défendre son « innocence », ce qui protégerait son « honneur ». Sans vouloir faire la leçon à des compagnons de l'avant dernier siècle, cette partie semble bien peu opérante pour « notre temps ».

Reste la dernière partie, les notes des « Editions Antisociales ». Les gens qui s'occupent de ces éditions reprennent à leur compte l'expression policière « anarcho autonome ». Passons. Ce faisant, ils considèrent que l'Etat aurait frappé cette mouvance « d'abord dans la discrétion, pour tester leur capacité de résistance aux nouvelles méthodes, puis, ayant constaté leur faiblesse et leur isolement, dans le grand tapage de l'opération de Tarnac, le 11 novembre 2008 ». A cette « faiblesse », à cet « isolement », les auteurs opposent les « villageois incrédules » qui ont alertés « l' « opinion publique » bien au delà de la mouvance », entrainant une « campagne de soutien », qui aurait occasionné le « premier dysfonctionnement d'importance de la machine antiterroriste française ». Si l'on comprend bien ce qui est dit à demi mot, la campagne de solidarité avec Ivan, Bruno, Isa, etc. a été faible et isolée ? Peut être que des mois d'actions, d'attaques, de banderoles, de brochures diffusées à des miliers d'exemplaires valent peu par rapport à Libé, Hazan l'éditeur de flics, Hollande, Vallini, Voynet, La Chaîne Parlementaire, Le Monde, et au « redoutable slogan » qui serait « Sabotons l'antiterrorisme ». Reste que faire valoir la « radicalité du vieil anarchisme » avant de marcher sur la tête de certains inculpés pour crier plus haut les vertus de la campagne de soutien aux inculpés de Tarnac, c'est dégueulasse mais aussi comique, puisque jamais, jamais, ni les inculpés ni les principaux comités de soutien ne se sont réclamés de l'anarchisme. Les éditeurs parlent encore du « grand public », traitent l'Envolée de « matons » (en note de bas de page) pour avoir critiqué ceux qui « attaquent l'antiterrorisme en en oubliant la justice », finissent par dire que l'Etat manipule le GIA et Al Quaida comme ça, au passage... (et la marmotte manipule le papier).

Quand on apprend que c'est pour défendre ce flot d'ineptie qu'ils ont rassemblé et publié le texte de Faure, qui se réclame de l'anarchie, qui crache sur les journalistes, qui se place toujours du coté des anarchistes et ne craint pas de critiquer les résignés (à l'opposé du fantasme sur le « grand public », que l'on méprise plus qu'on ne le met en valeur, ainsi faisant), malgré ses défauts, pour défendre une entreprise citoyenniste de défense de quelques uns, en faisant de la lutte contre un aspect de la justice la lutte dans laquelle chacun devrait s'engager (avec son épicier), c'est vraiment du foutage de gueule, pour rester aussi poli que l'on peut l'être.
Puisque les auteurs ont l'air d'avoir quelques penchants situs, on leur rappellera qu'on ne combat pas l'aliénation par des moyens aliénés. Il n'y aura jamais de victoire pour les exploités dans les palais de la justice des exploiteurs. La solidarité c'est l'attaque, liberté pour tous et toutes, feu à tous les lieux d'enfermements.

Brochure disponible ici : http://www.editionsantisociales.com/productions.php