vendredi 23 juillet 2010

Quand Paris chasse les épaves de vélos, ces "déchets" d'un nouveau genre

"PARIS — Vendredi, 7H00, la chasse aux épaves de vélos et aux cadenas esseulés commence. Un "épaviste" de la préfecture de police et deux agents de la mairie de Paris, armés de pinces et d'une meuleuse, sillonnent les rues pour enlever ce qu'ils appellent très officiellement des "déchets".

Expérience inédite dans une grande ville, la mairie de Paris a créé en partenariat avec la Préfecture de Police (PP) les "tournées d'enlèvement d'épaves de vélo", qui ont commencé le 3 mai à raison de deux tournées par mois dans chaque arrondissement.

Vendredi, c'est au tour du Ve arrondissement d'être "nettoyé". L'épaviste, policier assermenté, est le seul à pouvoir décider si un vélo est une épave ou non. Il tient une tablette répertoriant le trajet qu'il fera avec les agents de la mairie chargés de découper puis d'emmener les cadenas et vélos à la déchetterie.

"Au fur et à mesure qu'on a vu se déployer dans Paris l'utilisation du vélo, il y a eu un revers de la médaille, on a vu se multiplier le nombre d'épaves de vélo sur les trottoirs et les parkings deux-roues, encombrant inutilement ces emplacements", explique à l'AFP François Dagnaud, adjoint PS chargé de la propreté et du traitement des déchets.

Rien qu'en deux mois, la mairie a récupéré 1.308 épaves de vélo sur 2.000 recensées dans la capitale, selon M. Dagnaud. Les scooters et mobylettes ne sont pas concernés, étant immatriculés.

Selon Dominique Ouazana, chef-adjointe à la "fonctionnelle" à la mairie (service chargé notamment des ramassages) "tant qu'il y aura des épaves nous poursuivrons ces tournées. La police juge que le réservoir est important, on a encore deux bonnes années pour tout ramasser dans Paris".

Mais comment caractériser une épave ? "Il y a trois conditions, résume M. Dagnaud, d'abord c'est un vélo qui n'est pas en état de rouler, qui n'est pas réparable et dont le propriétaire n'est pas identifiable". La PP assure que ces vélos sont abandonnés depuis de longs mois et que certains riverains s'en plaignent.

Rue des écoles (Ve), pendant que les agents, sous leurs uniformes verts bien reconnaissables, s'affairent à casser un cadenas accroché en solo sur une grille d'arbre, un passant dit "bravo, merci la police de les enlever".

Vers la place Monge, un jeune cadre dynamique regarde médusé la camionnette de la mairie remplie de cadavres de vélos : "mais c'est le vélo de ma femme là!". Il jure qu'étant enceinte, celle-ci n'a pas utilisé son vélo de tout l'hiver.

En ces temps d'abus constatés au plus haut niveau de l'Etat, "on vient nous harceler pour des vélos, c'est gonflé !", jure-t-il, avant de partir à grandes enjambées.

Quel que soit l'état du vélo, les agents de la ville sont obligés de couper le cadre pour que personne ne l'utilise ensuite. Christophe Lefebvre, l'un des deux agents, rappelle que les épaves "ne sont pas esthétiques et prennent de la place". Il a appris à "vraiment" reconnaître une épave quitte à laisser du "sursis" à certaines petites reines encore bien conservées même quand elles n'ont pas de roues ou des chaînes déglinguées.

Selon Pierre Toulouse, vice-président de l'association Mieux se Déplacer à Bicyclette" (MDB) qui milite depuis 1974 pour améliorer la circulation à vélo en Ile-de-France, ce nouveau système l'"inquiète".

"On n'a pas une position extrêmement forte encore mais nous voudrions que des autocollants avertissent systématiquement de l'enlèvement ou qu'après ils laissent une affichette, qu'on laisse une chance aux cyclistes !"."

AFP